Deux musiciens comédiens : Jean-Pierre Dulin et Benoı̂t Caillault
Un concepteur lumière : Jocelyn Asciak
Une fontaine se trouve au centre d’un décor de draps blancs onduleux, elle a été imaginée par
Jean-Pierre Dulin de la compagnie Tafftas. La fontaine, source de vie, éminemment symbolique, relie
comme un ombilic les Hommes entre eux, on la trouve au centre des villages. De cette eau, aucun ne sera
jamais sevré.
Glouglou ou le chant de l’eau est le titre de leur dernier spectacle présenté à Reims au festival
Méli Môme 2022. Par la grâce des instruments, et des voix de JP Dulin et Benoı̂t Caillault, éclairés des
lumières de Jocelyn Asciak, les spectateurs petits et grands vont parcourir toute une gamme sensorielle
qui va les immerger dans le liquide aquatique.
L’expérience est poétique avant tout, elle nous conduit du miroir au rePlet de notre visage dans l’eau, les ombres chinoises au-dessus de la fontaine nous rappellent le mariage subtil de l’eau avec la lumière, ce qui apparaı̂t ou disparaı̂t dans la transparence de l’eau. L’eau a ses secrets, bien gardés ou
soudainement révélés par la combinaison des éléments. L’eau a une puissance évocatrice étonnante, elle
est capable d’ états extrêmes, elle est celle qui jaillit ou qui s’écoule, elle est douce, pluie diluvienne ou
bruineuse. L’eau a ses mouvements, elle croupit, ruisselle, tombe en cascade, Pile en rapides, déferle en
torrents. Spectateurs, on se sent ainsi traversés, emportés par la danse aquatique, on se prête à rêver la
légèreté de notre corps baigné dans l’océan, inondé, porté par un liquide que pourtant nous ne pouvons
retenir dans notre main quand lui se glisse partout.
Les images offertes sont elles aussi poétiques, Jocelyn Asciak aux lumières crée les rePlets de l’eau,
projette sur des tissus des gouttes colorées, conduit l’eau jusque dans les ondulations du drap blanc... il
produit de très belles images, fascinantes pour celui qui les découvre.
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L’expérience avec la compagnie Tafftas est aussi sonore, car si l’eau bouge elle est aussi matière
sonore : son quasi cristallin des gouttes d’eau sur une pierre, mélodies d’un clapotis ou bruit sourd d’une
cascade, la composition instrumentale du spectacle nous fait entendre les registres sonores de l’eau. Le
monolina (instrument à cordes) berce l’écoute tandis que la shruti box (instrument indien à soufPlet)
offre une amplitude et une profondeur de son extraordinaire. Les artistes ont ce pouvoir de nous faire
explorer cette matière sonore, de nous la faire mieux entendre. Comme Virginie Desbiolles s’interrogeait
de savoir si elle verrait les couchers de soleil sans les tableaux de Félix Valloton, nous pouvons imaginer
qu’avec la compagnie Tafftas nous écouterons désormais le chant de l’eau, il résonnera peut-être pour
nous, même sans en avoir conscience comme les cordes du monolina?
L’expérience est jubilatoire, le comédien, Jean Pierre Dulin, s’en donne à coeur joie et nous avec
lui : il plonge ses mains dans l’eau, s’éclabousse, fait mousser, goûte le liquide. On passe ainsi d’une sorte
de plénitude amniotique au plaisir de jouer, à l’excitation partagée de pouvoir s’amuser et rire ensemble !
Sans oublier le plaisir oral, boire, sentir l’eau couler dans sa gorge, se désaltérer, en voilà une belle
sensation de jouissance orale !
L’expérience est temporelle, l’eau est comptable du temps, soit qu’elle goutte, et que dans ce
goutte à goutte s’écoule le temps qui passe, soit qu’elle coule à l’inPini sans jamais s’arrêter. N’est-ce pas
courant qu’un enfant veuille faire cesser le Plux du robinet d’une fontaine, mais le boucher de son doigt
n’y sufPit pas, le Plot de l’eau demeure ininterrompu comme si l’inPini se présentait là. Arrêter le temps est
mission impossible !
Dans le fond, Glouglou ou le chant de l’eau est une invitation à parcourir la gamme de ces
expériences, l’enfant comme l’adulte est libre, ce qu’il éprouvera là fertilisera sans nul doute son monde
intérieur sans même qu’il puisse en rendre compte le plus souvent. Jean Pierre Dulin crée comme un
poète, il laisse un espace à chacun, sa part de songe, de rêverie, et ceux qui seront là emporteront ce qu’ils
voudront dans leur coffre aux trésors.